Un peu d’histoire

« Au village d’Itxassou – célèbre pour ses cerises – les grands cerisiers sont déjà tout rouges et nous sommes le 17 avril ! Tout est en avance d’un mois, cette année. Personne dans ces routes délicieuses, au-dessus desquelles les grands cerisiers étendent leurs branches. Nous mettons le cheval au pas et l’un après l’autre, nous passant les rênes et nous tenant debout dans la voiture, nous mangeons des cerises, sans mettre pied à terre : nous en cueillons des branches que nous attendons à la tête du cheval, aux harnais, à la lanterne. Quelle splendeur de jardins, de vergers, de buissons de roses, dans ce petit pays aux cerisiers… »


(Loti in Moulis, 1965 : 62-63)

Ainsi, l’écrivain Pierre Loti expose les paysages itsasuars qu’il a traversés. Cet auteur est célèbre pourses évocations des paysages basques au cœur de son journal intime et de son roman Ramuntcho publié en 1897.

Une production atypique dans son environnement

La notoriété du village d’Itxassou est très largement liée à la présence des cerisiers. L’origine de cette production est assez mystérieuse ; il semble que les cerises noires apparurent dans les bordures de sentiers dès le XIIème siècle. Le nom du Saint patron de la paroisse (Jondoni Murtuts en euskara, soit Saint Fructueux en français) témoigne de l’ancienneté de la culture dans la région. Le village et les environs d’Itxassou possèdent un climat doux et humide ; les sols sont lourds à tendance acide. Dans ce contexte peu favorisant pour les cerisiers, les anciens ont sût développer quelques variétés très typées en utilisant des merisiers sauvages très rustiques comme porte-greffe. Certaines sont en voie de disparition (Belxa, Bilarroa, Garroa, Markixta) mais d’autres sont encore bien présentes, en particulier Peloa et Xapata. Il n’existe pas de noms français pour ces variétés, et le Conservatoire des Végétaux d’Aquitaine les a inscrites à son catalogue avec ces appellations. Notons que Beltxa, qui signifie « noire » peut être traduit par « cerise noire », élément à l’origine d’une confusion certaine entre cerise d’Itxassou et cerise noire. Plutôt que des vergers, on trouvait les grands merisiers en bordure des prairies et des chemins, du bas de la vallée aux flancs des montagnes qui dominent le territoire au sud (Artzamendi, 960 mètres et Mondarrain, 749 mètres). A l’apogée de la production (du XIXème siècle jusqu’aux années 1960), les cerisiers étaient à la fois une image emblématique du village et de ses environs et une source de revenus importante pour l’économie locale. En 1863, Pierre Loti notait dans ses mémoires, après une visite au village d’Itxassou depuis sa résidence d’Hendaye : « Quelle splendeur de jardins, de vergers, de buissons de roses, dans ce petit pays de
cerisiers… ».

Jusqu’aux années 60, pendant la période de production, d’importants marchés se tenaient dans plusieurs quartiers d’Itxassou et des communes avoisinantes. Les cerises y étaient descendues depuis les exploitations de montagne, puis acheminées vers Bayonne, la Côte Basque, voire plus loin : Dax, Pau, Bordeaux. Le volume de production évoluait de 160 à 300 tonnes par an avant la Seconde guerre mondiale. Pour les petites exploitations du secteur, en situation de quasi-autarcie, la cerise constituait la rentrée d’argent principale, voire, la seule. La présence à gauche d’un fourgon «HY» Citroën indique que ce cliché a été pris après 1948 (année de sortie de ce modèle), sans doute à la fin des années cinquante. Dans les années 70, les exploitations se sont modernisées et spécialisées dans la production de lait de brebis. Les modes de vie ont évolués, la main – d’œuvre familiale diminuant fortement. Les grands merisiers, qui exigent beaucoup de temps et de main d’œuvre au moment de la cueillette ont été délaissés et les paysages si caractéristiques décrits par Loti tendent aujourd’hui à disparaître. Dès 1982, le syndicat intercommunal Nive Nivelle se préoccupait de cette question et entamait un travail d’inventaire. Le nombre d’arbres encore présents sur la commune était estimé à 1 800, dont les 2/3 dans les exploitations de montagne, et 70% en variété Xapata. Dans les années 90, la production de cerises avait diminué pour atteindre environ 25 tonnes. (annexe 1) Dès lors, quelques « irréductibles », convaincus de l’intérêt pour le territoire de conserver cette production « atypique » créent en 1994 l’association Xapata pour sauvegarder ce qui peut encore l’être. La marque commerciale « cerise d’Itxassou / Itsasu » ainsi qu’un logo associé sont déposés auprès de l’INPI (Institut National de la Protection Industrielle) par la commune d’Itxassou, puis cédés à l’association. Seuls les producteurs qui produisent localement peuvent adhérer à l’association et utiliser l’étiquette identifiant la cerise d’Itxassou / Itsasu. Le travail de greffage et de plantation initié à partir de 1994 par l’association a permis de ramener le nombre d’arbres dans la zone au-dessus de 5 000. Après des essais avec des variétés « du marché », comme les bigarreaux, le bilan a mis en évidence leur inadaptation au contexte local (mauvais développement des porte greffe, éclatement des fruits…). L’association « Xapata » a donc fait le choix de conserver et d’améliorer les variétés locales, en particulier celles présentant une bonne typicité gustative. Les producteurs ont pour la plupart planté les arbres sous forme de vergers piétons pour faciliter la conduite et la récolte. Un verger conservatoire a également été créé en 2008 par l’association. Il est implanté à proximité de l’église d’Itxassou sur un terrain mis à disposition gracieusement par la municipalité. Les différentes variétés locales traditionnelles y sont implantées afin d’assurer leur pérennité et de faire connaitre leur spécificités au grand public.

 

d-licieuses_cerises Haliriko Cachenaut familia
Itxassou
En 1907
Marché des cerises à Itxassou en 1923